Aujourd’hui, de nombreuses revues et magazines proposent des articles sur le yoga. Ceux-ci retiennent l’attention de personnes recherchant une activité physique tout en douceur, une solution au stress et à l’anxiété, un temps pour soi de calme et de ressourcement hors de la frénésie du monde. Nombreuses sont encore les personnes qui ignorent, cependant, la richesse et la profondeur de cette approche.
Le yoga est une tradition millénaire originaire de l’Inde. Il peut prendre différentes formes. L’une des formes la plus répandue en occident est le « hatha yoga », couramment abrégé par le terme « yoga ». Ce yoga engage la personne dans une pratique à médiation corporelle.
Cette pratique se construit sur l’alternance entre mouvements et immobilité. Elle vous permet d’explorer toutes les possibilités de postures : couchées, assises, à quatre pattes, à genoux, debout. On peut y trouver une analogie avec les différentes étapes jalonnant la croissance de l’être humain, de la naissance à l’âge adulte. Cela offre ainsi, symboliquement, une occasion de cheminer consciemment vers notre pleine humanité.
La pratique vous invite à vous mouvoir avec douceur, respect, en assouplissant la colonne vertébrale, en mobilisant chaque articulation, en tonifiant les muscles en profondeur, en étirant les ligaments ainsi qu’en favorisant la circulation de l’énergie vitale à travers tout le corps.
Le yoga propose une façon d’aborder le corps et par là même la personne, différente de celle proposée par la gymnastique. L’accent n’est pas mis sur une recherche de performance. Il privilégie davantage l’éveil d’une conscience corporelle et un lâcher prise. Vous êtes invités à vivre les postures dans un esprit créatif, c’est-à-dire en ajustant chaque proposition à vos possibilités et état d’être du moment. Une attention délicate au souffle et aux sensations favorise un certain équilibre entre tension et détente et donc un rapport plus juste avec vous-même.
Pratiqué régulièrement, le yoga offre des clés précieuses pour apprendre à gérer le stress et cultiver détente et vitalité au quotidien. Il serait néanmoins réducteur de s’arrêter à ce premier niveau aussi précieux qu’il soit !
L’étymologie même du mot « yoga » signifie « union », « unité ». C’est ainsi dire que le yoga vise à harmoniser l’être humain dans sa globalité. Il offre un chemin d’unification de soi par le corps. Se défaire des tensions, crispations corporelles et psychiques permet d’ouvrir la porte sur la dimension intérieure de l’être. Ordinairement, nous sommes entièrement focalisés sur l’extérieur, littéralement pris par les activités à faire, les résultats à atteindre, etc. Le yoga nous invite à nous orienter différemment. Au cœur même du mouvement ou de l’immobilité, nous portons délicatement notre attention sur les sensations le souffle jusqu’à nous sentir dans une globalité, dans une présence à l’instant. Cela nous permet progressivement d’entrer en contact avec notre intériorité. À l’intime de nous, existe un espace de silence et de présence. Le contact avec cette réalité nous unifie en profondeur.
Selon les pratiques de yoga, l’accent est plus ou moins mis sur l’ouverture à cette réalité, même si elle n’en demeure pas moins le fondement.
La forme que j’enseigne est le yoga dans l’esprit de Dürckheim. Il se réfère à Karlfried Graf Dürckheim, fondateur de la thérapie initiatique. Dürckheim n’a jamais pratiqué le yoga proprement dit d’où cette nomination « dans l’esprit de Dürckheim ». Il a rencontré la tradition du zen au cours d’un long séjour au Japon. Il a été nourri par cette voie du silence et de méditation. Il était également très imprégné de la mystique de maître Eckart. A partir de ses propres expériences, il a proposé une voie initiatique s’articulant autour de l’expérience intérieure, l’exercice et la transformation. Il entend par expérience intérieure, l’expérience de l’être, c’est-à dire de notre nature profonde dont les qualités essentielles sont le silence, l’ordre, la plénitude, l’unité. L’exercice permet de cultiver le contact avec cette réalité intérieure. La voie de l’exercice peut amener à une transformation de soi. Elle nous accompagne à devenir ce que nous sommes déjà en profondeur, un être serein, tranquille, en paix, dans une confiance.
Dans cette démarche intérieure de transformation, Dürckheim a accordé une place privilégiée au corps. Il invite à voir dans le corps la personne elle-même. Il emploie ainsi le mot « corps » non pas en tant que corps objet, le « corps que l’on a » mais en tant que « le corps que l’on est », c’est-à dire notre façon d’être, notre façon de témoigner de l’accord ou du désaccord avec notre profondeur. C’est là que le yoga prend toute sa place. La posture devient un exercice permettant de se libérer de ce qui nous empêche de vivre ce sentiment d’unité avec notre être intérieur. Lorsque les remous à la surface d’un lac s’apaisent, on peut alors apercevoir le fond du lac. De même, lorsque nous nous libérons de ce qui nous sépare de notre être profond, nous entrons alors dans une transparence à l’être.
Cette voie tracée par Dürckheim vient colorer la pratique du yoga de manière toute singulière. Elle revêt un caractère très méditatif.
La lenteur et la qualité sensorielle favorisent cette profonde intériorisation. La lenteur permet de vivre chaque geste intimement, dans une sensibilité. Se développe alors une attention particulière au mouvement. Dans ce recueillement, l’écoute des ressentis se fait plus fine. Vous pouvez ressentir votre corps de l’intérieur, vous sentir dans une globalité et percevoir la résonance de chaque geste sur toute votre personne. Glisser ainsi dans l’intériorité, dans le sentir vous permettra de vous exercer à être présent, dans l’ici et le maintenant. Votre conscience pourra gagner en profondeur. Cette lenteur, dans une sensibilité de tout l’être, permet d’accéder à la profondeur et à une unification intérieure.
Une autre caractéristique de ce yoga dans l’esprit de Dürckheim est le travail de recentrage dans le hara. Dans la tradition japonaise, le hara désigne le centre vital de l’homme. Anatomiquement, il correspond à la zone du bassin. Lorsque nous sommes focalisés sur l’extérieur, sur les buts à atteindre, coupés de nous-mêmes, éparpillés, « stressés » comme dirait l’homme moderne, nous sommes décentrés. Notre centre se déplace alors vers la tête, la nuque, les épaules, la poitrine dans une attitude de crispation. Celle-ci peut être le reflet de peurs ou encore d’une combattivité pleine de tensions. Pour retrouver une détente de toute notre personne, nous sommes invités à retourner dans notre profondeur, à quitter le niveau du moi ordinaire, projeté vers l’avant pour rejoindre le niveau de l’être, c’est-à-dire cette réalité de silence, de paix et de confiance en nous. Ce processus passe par le fait de se centrer dans le hara, de descendre dans notre bassin. Si notre corps reflète notre état intérieur, le travail sur ce corps que nous sommes peut nous conduire à un nouvel état d’être intérieur. C’est ainsi que chaque posture devient chemin vers une nouvelle façon d’être au quotidien, dans plus de présences, de lâcher prise, de disponibilité, d’ouverture. Certes, le yoga se pratique de façon privilégiée sur un tapis. Néanmoins, sa finalité est l’actualisation de cet état d’être unifié au cœur de la vie de tous les jours.
Ainsi, le yoga ouvre un espace pour une rencontre intime avec soi, éclairée de tendresse. La pratique nous guide, pas à pas, vers une écoute de nous-mêmes, une relation plus juste à nous-mêmes. Le yoga se révèle une pratique invitant à entrer en contact avec son intériorité. La posture se faite exercice méditatif permettant de se relier à sa profondeur et de s’exercer à une autre manière d’être au monde, centrés et ouverts.
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